Sur Parole[s]
Théâtre étendu
Deux années d’emprisonnement pour des mots… Moi qui, à la sortie de Mai 68, ai fait le choix des armes et de l’action révolutionnaire, me voici, à cinquante-huit ans, incarcéré, suprême ironie, « sur parole ».
Les magistrats de l’antiterrorisme donnent ainsi raison à l’adolescent que j’étais et qui, comme des milliers d’autres à travers l’Europe, avaient fait ce choix en estimant qu’il était impossible d’agir en révolutionnaire dans les cadres de la politique bourgeoise. Pour nous, dans ce système, on ne parle librement qu’à la seule condition de balbutier les commandements des maîtres.
Jean-Marc Rouillan
Pour traiter de la question de la liberté de l’expression politique, nous avons décidé de croiser quatre lettres de prison de Nadejda Tolokonnikova et de Jean-Marc Rouillan. Si la première, activiste anti-poutine, est considérée en France comme une victime de la répression politique russe, le second, entaché du sang des victimes d’Action Directe, porte le masque du terroriste. Pourtant l’un comme l’autre, à travers leurs écrits, se définissent comme des prisonniers politiques.
Le croisement des quatre lettres permet aux deux militants d’entretenir un dialogue malgré leur éloignement générationnel et géographique, malgré les différences idéologiques et le contraste de leurs modes d’action. Ils semblent ainsi dépasser la solitude de leur enfermement. Par-delà les mots, résonnent la dureté des conditions d’incarcération bien sûr, mais surtout la censure et la violence comme moyens pour tout système carcéral de formater ses prisonniers politiques.
Le récit de Tolokonnikova sert de fil rouge. Interprétée tour à tour par trois comédiennes, la jeune femme mûrit et vieillit en gardant la lutte comme cap malgré le temps qui passe.
En contre-point, les mêmes comédiennes mettent en voix les discours de Rouillan, accompagnées par deux musiciens à la guitare électrique et à la batterie. Les riffs rock improvisés soulignent les images, accompagnent les mots et rythment la rhétorique du militant.
Du combat idéologique surgit alors la vie, la passion, l’émotion… le mouvement ! Ce sont l’expression d’une féminité bafouée dans les geôles russes et la mémoire des corps pour le prisonnier qui s’incarnent dans le geste de la danseuse. Ce corps, chargé de toute la force émotionnelle des mots, oscille entre contrainte et évasion, comme un pendule suspendu entre pulsion de vie et de mort, comme notre société contemporaine hésite entre désir d’ordre et de liberté.
Pièce engagée, Sur Parole[s] donne la voix à ces mots qu’on cherche à taire, non pas tant pour les défendre que pour raviver en chacun de nous le droit à se rebeller et l’absolue nécessité de défendre nos libertés.
Textes : Nadejda Tolokonnikova & Jean-Marc Rouillan
Musique : Kevin Houdemont & Alexis Scouarnec
Mise en scène : Collective
Création Lumière : Alexandre Chevaucher - Kevin Houdemont
Création sonore : Achille Decousse – Maxence Briollay
Costumes : Céline Pacreau
Equipe
Narration: Marion Deroit - Céline Hart-Lemonnier – Hélène Weiszberg
Danse : Hélène Humeau
Guitare électrique : Kevin Houdemont
Batterie / Percussions : Alexis Scouarnec
Technique
Durée : 1h10 (évaluée)
Espace scénique minimum : 4m*4m
Plan de Feu et Fiche technique son : sur demande